Remplissage du puits de la fosse Ledoux à Condé-sur-l'Escaut
Notice
A la mine Ledoux à Condé-sur-l'Escaut, fermée en 1988, les ouvriers remplissent les puits avec des schistes et des cendres pour éviter le retour d'air et stabiliser les puits pour limiter les affaissements.
Éclairage
Avec la fermeture des puits d'extraction, se pose le problème de l'avenir des vastes installations minières. Ce reportage nous présente la première démarche immédiatement mise en œuvre après la fermeture du puits : sa mise hors-service par remplissage. Sous les yeux des anciens mineurs sont déversées 55 000 tonnes de schistes et de cendres, ainsi que 2 600 m3 de béton. Plusieurs bouchons de béton sont en effet disposés dans le puits, et alternent avec ce remblai de schistes. Il s'agit de stabiliser les puits pour limiter les affaissements.
La mine Ledoux représentée ici a fermé en 1988. C'est l'un des symboles de l'exploitation houillère car les premières découvertes de charbon dans la région ont eu lieu à Fresnes-sur-Escaut, une commune voisine de Condé-sur-l'Escaut (entre Valenciennes et la frontière belge) en 1720. Cette zone constitue l'extrémité orientale du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Elle est d'abord exploitée par la Compagnie des mines d'Anzin, puis, après les nationalisations de 1944-1946 par les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, elle-même rattachée à Charbonnages de France (CdF). La fosse est régulièrement modernisée et devient même dans les années 1950 un site de concentration, dans le cadre de la politique de rationalisation entreprise par CdF afin de fermer les puits les moins rentables.
Le remplissage se déroule sous l'œil des anciens mineurs. Ces derniers conservent le "statut des mineurs" de 1946 même lorsqu'ils ont pris leur retraite anticipée, en général à 50 ans, voire même 45 ans en comptant le congé charbonnier de fin de carrière (CCFC), qui permet d'assurer la transition. Les autres bénéficient de mesures de reconversion : une formation professionnelle doit les aider à retrouver un emploi. Certaines de ces mesures existent depuis la fin des années soixante, car la régression charbonnière du Nord-Pas-de-Calais était inscrite dès le plan Jeanneney de 1960 et le plan Bettencourt de 1968. Dès 1959, certaines zones de l'ouest du bassin minier ont touché des aides pour faciliter leur reconversion. Initialement, il était même envisagé de fermer les puits en 1983. Les courtes relances de l'après crise pétrolière et celles tentées par le gouvernement Mauroy pendant un peu plus d'une année ont repoussé l'échéance de sept années. La reconversion des mineurs, et plus généralement celle de la population active du bassin minier, est donc une politique de longue haleine, menée depuis trente ans à la date de l'émission. Ces mesures ont déjà bénéficié à de nombreux mineurs, partis travailler dans d'autres secteurs d'activités ou d'autres entreprises publiques comme Renault ou EDF. La situation est toutefois plus difficile pour ceux qui souhaitent rester à la mine jusqu'à la fin car le chômage a atteint 10% de la population active en 1985, et bien plus dans le Bassin. A l'ère du chômage de masse, la reconversion devient un défi pour tous.
La fermeture du puits pose le problème de son exploitation à des fins scientifiques. L'émission se termine en effet par une référence laconique à "l'archéologie industrielle", c'est-à-dire l'étude du patrimoine matériel laissé par les différentes activités industrielles qui se sont succédées sur notre territoire. L'archéologie industrielle s'est développée d'abord en Grande-Bretagne après la Deuxième Guerre mondiale, en particulier autour du site de l'Ironbridge, le premier pont métallique au monde construit à la fin du XVIIIe siècle. En France, le CILAC (Comité d'information et de liaison pour l'archéologie, l'étude et la mise en valeur du patrimoine industriel), fondé en 1979, participe de cette dynamique de mise en valeur du patrimoine industriel. A l'étude succède parfois la conservation puis la mise en valeur, mais il est impossible de tout préserver sans figer l'urbanisme et l'espace, et enlever ainsi toute marge de manœuvre aux générations futures. Il est néanmoins nécessaire de conserver certains sites majeurs dans un but patrimonial mais aussi touristique et identitaire, comme en témoigne le projet BMU (Bassin minier Unesco). Fondé notamment sur la protection de sites miniers emblématiques, il s'est concrétisé par l'inscription du Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais au Patrimoine mondial de l'Humanité en 2012.